Bonne m… pour 2026 !

Grâce à vos dons, votre participation à nos évènements et aux ventes des créations et oeuvres de nos partenaires de coeur, notre ASBL a pu verser 12.000 euros aux Héliotropes en 2025. Merci d’être là !

Mais à ce jour, les personnes avec double diagnostic et les Héliotropes sont toujours « administrativement hors normes ».  Dans ce contexte, le message de Nathalie Delvenne, Directrice des Héliotropes : Bonne m… pour 2026 !

Une aventure qui débute il y a 16 ans

Voilà quinze ans, bientôt 16, que nous avons ouvert une minuscule institution au bénéfice de patients adultes à Double Diagnostic (DD) : l’ASBL Les Héliotropes.

L’idée de faire naître un tel lieu surgit de la douleur, celle d’une famille ayant mis au monde un enfant-phénomène, déficient intellectuel et présentant des troubles du comportement qui dépassent de loin nos pires cauchemars…

Elle nous interpelle pour son enfant à DD qui met par terre par la monstruosité de ses symptômes les hôpitaux pédopsychiatriques et les centres de revalidation fonctionnels de l’époque.

Psychotique, épileptique, déficient intellectuel, il ne fait que chuter sur des objets coupants, fracassants, anguleux, se fendant le crâne, se cassant les jambes et se mutilant irrémédiablement le visage.

Un projet pirate ouvert aux découragés des portes closes

A trois, nous construisons, architecturons un projet d’accueil et de soins pour cette population particulière avec ceci d’inédit : nous ne ferons place qu’à ceux qui se sont découragés à force d’avoir frappé à des portes restant désespéramment closes.

Un don de 100.000€ nous aide à commencer.

Les pires situations sont bien souvent en famille. Service pirate dans un premier temps, sans autorisation de fonctionner, nous accueillons pendant 3 ans des patients que les bureaux régionaux de l’AWIPH nous envoient malgré tout et nous évertuons à organiser concerts, soirées cinéma, repas, participation à des galas, présentation à des congrès…pour trouver les 200.000€ dont nous avons besoin pour faire fonctionner notre asbl.

En 2013, nous obtenons une autorisation de prise en charge et un subside de 3000€/an pour toute l’asbl avec quelques toutes petites conventions nominatives.

La reconnaissance comme Service d’Accueil de Jour pour adultes.

La chasse aux dons reste de mise jusqu’en 2017 où nous sommes reconnus comme Service d’Accueil de Jour pour adultes. Les appels au secours des familles réclamant des prises en charge complètes que nous ne pouvions  et ne voulions pas entendre tant la course aux subsides nous mangeait deviennent assourdissants.

Nous décidons de construire un centre de nuit sans aucune aide de l’état, les instances subsidiantes ne s’engageant à se poser éventuellement la question du financement qu’à partir du moment où un lieu est construit. Il nous faut trouver un million d’euros. En dons !

Un Service Résidentiel pour Adultes 

En 2021, notre bâtiment est prêt (en passant les gesticulations, acrobaties, appels aux fondations, soirées confitures ou couscous que nous avons dû faire pour récolter la somme ) et un subside de Service Résidentiel pour Adultes nous est attribué. Le même que celui que reçoivent les asbl de l’AVIQ qui accueillent les « George » du 8eme jour.

Si eux peuvent fonctionner avec un éducateur pour 12, 15, 20 « George », il nous faut nous, impérativement, 3 éducateurs pour 7 patients ping-pong que tous se sont remballés. Avec cette effrayante réalité qu’on a beau en parler, la catégorie DD (double diagnostic) n’existe pas, elle n’est pas définie, subsidiée, reconnue dans l’échiquier des réponses aux besoins de l’AVIQ.

Il nous faut des sous pour fonctionner. Il nous faut travailler pour trouver les sous pour payer notre travail…un peu comme si on demandait aux médecins urgentistes de pédaler pour produire l’électricité nécessaire à faire fonctionner les machines qui tiennent leurs patients en vie.

Nous sommes hors-jeu mais devons néanmoins répondre à toutes les prescriptions  qu’on nous impose, comme faire un conseil des usagers avec des patients mutiques, s’exprimant par mots-phrases ou avec d’autres qui vous décochent une baffe quand ils sont regardés.

H. a toute sa place aux Héliotropes

H. est rentré en janvier. Il est Rwandais. Il mesure 1,85 et pèse 120 kilos. Il est beau, calme et a l’air doux. Malgré ses 20 ans, il a l’air d’un enfant et pendant que nous discutons en admission, il dessine face à nous. De temps à autre surgissent quelques mots énoncés de façon impérative. A l’envers donc pour la lecture, nous repérons des lettres, des mots au-dessus des personnages spectaculaires qu’il dessine.

Il faut deux minutes pour démonter l’orientation de H comme déficient intellectuel profond. Il a appris à lire et à écrire seul en français et en anglais en allant sur youtube et sait s’ouvrir une page FB. Malgré les traits autistiques très importants, nous questionnons après quelques jours de prise en charge celui de schizophrénie.

H. se représente sur un dessin, nous dessine en nous regardant, cherche à se faire comprendre et à faire entendre quelque chose de son vécu intérieur, comme le chagrin et la douleur désespérante d’être séparé de maman.

Il nous confronte à des persévérations impressionnantes qui peuvent durer des heures, frappant de sa main les murs, les plans de travail, les tables en hurlant « maison », « jeter-poubelle » ou  « chauffer ». Oui, chauffer des feuilles, c’est plastifier ses dessins non pas pour les conserver mais pour emprisonner, couvrir des deux faces, souder ses productions qu’il ne lâche pas de la journée, puis qu’il jette. Il nous confronte à des vécus corporels violents : le démentellement, le morcellement, la chute de morceaux de corps.

Pour survivre, il invente. Il colle, se colle avec des dizaines de mètres de papier collant les parties de corps en passe de chuter, le nez, les yeux, le cou, les doigts-mains-jambes jusqu’à se faire des garrots. Ce sont les moments où lorsque la persévération survient, nous devons le serrer. Nous nous prenons alors les uns les autres dans les bras, avec H au milieu qui fait le jambon pendant que nous faisons la tartine.

Il casse ou déchire ses vêtements, tel Hulk dans l’univers hautement investi des Marvels, et nous lui achetons deux poubelles personnelles, nominées, où nous tentons de lui permettre de se séparer de l’objet en espérant pouvoir le réintroduire par la suite. Avec le temps, nous percevons que le corps se vit aussi avec des « en trop ». Tantôt, des morceaux sont en passe de choir, tantôt ils excèdent et il faut les couper. Il persévère alors durant des heures en hurlant qu’il faut couper : la main, le doigt, la tête, les paupières.

Nous pouvons résister à la force du corps et la puissance de la persévération en utilisant la poubelle. «  Ho non ! Ici, on ne se coupe pas les doigts mais si tu veux, tu peux jeter quelque chose à la poubelle ».

La vigilance est de tout instant…une cicatrice chéloïde de 6 cm dans le cou témoigne de l’horreur qu’il y a parfois à vivre des bouts de soi comme en trop. Il s’est coupé à la maison. Parfois, il nous pousse jusqu’à jeter la poubelle dans la poubelle…Des mots de la vie quotidienne se doivent absolument d’être évités et il nous faut utiliser des rébus sous peine de filer tout droit vers une persévération sans fin : « Thomas, tu sais où sont les trucs en métal avec des dents sans lesquels tu es bien embêté quand tu dois manger un steak ? » ou des « j’en ai acheté plein, il y en a 40. Tu vois, le mot en 3 lettres qui commence par B, qui finit par C et dont la voyelle du milieu n’est pas dans auto ? ».

Il arrache, casse, déchire et détruit. Teste la solidité du monde. Un bout de sparadrap et le tour est joué. Il nous en a fallu du temps pour penser mettre du sparadrap sur les prises électriques qu’il arrache. Parfois il tord un de nos doigts ou un de nos poignets. Mais est-ce que ce monde va tenir ?

La tentative de faire inscription est désespérée. Nous écrivons les mots qu’il hurle pendant des heures et quand le poignet chauffe, un autre prend le relais. H n’a pas sa place chez nous. Parce que sa déficience n’est pas importante, qu’il n’est vraisemblablement pas autiste et que la catégorie DD n’existe pas. H a toute sa place chez nous. H a 20 ans, H est doux. Nous avons créé les Héliotropes pour accueillir et accompagner des souffrances comme la sienne.

Hors normes ? Et m… !

Dans l’échiquier des offres sensées répondre aux besoins des personnes avec déficience, nous et nos DD n’avons pas de place. Ils n’existent pas  administrativement.

Ils sont hors normes et à nous occuper d’eux, nous le sommes tout autant.

J’oubliais. Je ne suis pas en règle. Je dois avoir entamé dans l’année 2026 une formation GO-directions pour gérer les finances de mon asbl sous subsidiée et gérer les ressources humaines.

Cela veut dire qu’un mardi sur deux, je vais devoir laisser là mon tablier, mes éducateurs merveilleux et cesser de faire la tartine pour jouer à « la Directrice » .

Tu vois le mot de 5 lettres qui commence par M, qui finit par E, la consonne du milieu est un R et si ton chien en fait une sur le trottoir, tu dois ramasser ?

Mais merde quoi…